Sonate En Si Mineur- by Aurélie Ribière

Auteur:Aurélie Ribière [Ribière, Aurélie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romance contemporaine Romance - Feel-good
Éditeur: Éditions Alter Real
Publié: 2023-10-19T22:00:00+00:00

Chapitre 9

Cueillir le présent

Damien

Voilà deux heures que je faisais les cent pas dans la gare Saint-Laud. Ah ! C’était sûr, j’avais eu le temps d’admirer la modernité de cet écrin de verre au beau milieu de la ville, l’ancienne gare des années cinquante en béton armé, la passerelle en bois doucement courbée qui en partait, les nombreux services proposés. Je n’étais pas très féru d’architecture, mais après avoir bu une bonne dizaine de cafés, je ne voyais rien de mieux à entreprendre. J’aurais pu sortir de l’édifice et visiter les lieux, mais je ne voulais en aucun cas manquer Anne. La tâche que je m’étais assignée me semblait déjà bien assez compliquée comme ça. Comment retrouver une frêle jeune femme dans une foule de milliers de personnes ? Et surtout, si je la retrouvais, que lui dire ?

Lorsque Marguerite m’avait expliqué le projet d’Anne, mon sang n’avait fait qu’un tour. Le soulagement d’apprendre que mon amie n’était pas partie pour de bon avait sans attendre laissé la place à une vive inquiétude. Je n’avais pas connu moi-même Évelyne, mais j’en avais assez entendu parler par les commères du village pour m’être fait une idée de la personne. On la disait belle comme le diable et méchante comme une teigne. Un cocktail explosif, selon moi, et amplement suffisant pour justifier mes craintes. Il fallait qu’Anne se sente vraiment déboussolée pour envisager de renouer des liens avec une telle femme. Qu’elle soit sa mère n’y changeait rien ! Une femme, qui n’avait pas jugé utile de s’intéresser au sort d’une petite fille, devenue orpheline en quelques années, n’était plus une mère. J’aurais pu, moi aussi, être tenté de retrouver mes parents biologiques, mais je n’en avais jamais ressenti l’envie. Je n’avais même pas eu la curiosité nécessaire. La colère que j’avais pu éprouver à leur encontre, dans mes jeunes années, avait peu à peu disparu pour se muer en compassion et gratitude ; compassion pour un parcours de vie, sans doute, si cabossé qu’un enfant n’y avait pas de place, gratitude pour m’avoir offert la possibilité d’une existence différente. Pierre et Cécile, mon père et ma mère, m’avaient aimé et aidé à grandir de leur mieux : ils étaient mes parents et je n’en avais jamais souhaité d’autres. Je ne comprenais pas du tout la démarche d’Anne, mais ça ne m’empêchait en aucune façon de la soutenir. Les différences de caractère et de perception du monde sont un fait. Il n’y a rien à comprendre ni à discuter là-dedans. Qui étais-je pour juger Anne ? Non, je ne la jugeais pas, je voulais juste être là pour elle, dans un moment où elle aurait sans l’ombre d’un doute besoin d’encouragement.

Tout à coup, alors que je me tenais au beau milieu du hall d’entrée, mon estomac se noua et mon cœur se mit à faire des bonds dans ma poitrine. Je me retournai et la vis en un instant. Elle était si belle. Échevelée, les joues rosies par le froid ou l’effort, les

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